DANIELA CAMACHO
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“C’est beau la vapeur”, a-t-elle dit devant un bol de thé vert.
Est-ce la vapeur elle-même ou la fluidité de ses mouvements qui la ravit?
Elle se souvient de celles des sources thermales dans le sud du Japon. Elles montaient tout droit dans le ciel bleu et froid de l’hiver.
Chaque couche de vapeur qui s’élève pourrait dévoiler un secret mais une autre vient aussitôt le masquer:
Elle aime aussi remuer doucement sa tasse de thé pour voir les feuilles tourner.
Et les observer comme des algues au fond de l’eau, des fonds marins miniatures.
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“Es hermoso el vapor”, dijo frente a un tazón de té verde.
¿Es el propio vapor o la fluidez de sus movimientos lo que la deleita?
Ella recuerda aquellos de las aguas termales del sur de Japón. Subían directamente hacia el cielo azul y frío del invierno.
Cada capa de vapor que se eleva podría revelar un secreto, pero en seguida viene otra a ocultarlo:
También le gusta agitar suavemente su taza de té para ver las hojas girar.
Y observarlas como las algas al fondo del agua, profundidades marinas en miniatura.
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Tout était lent l’autre jour dans la forêt : une chenille velue qui avançait si
doucement, un bousier qui se démenait si mollement, une limace presque
arrêtée… Sauf le train qui passait au loin.
Une voix de fillette a surgi tout à coup : « Elle est où ? J’ai envie de l’écraser. »
« Quand j’ai regardé ma main, le phalène que j’avais cru attraper sur la route
s’était évanoui », est-il raconté dans l’histoire de « Genji ». « Ou bien mes doigts
ne l’avaient jamais tenu ».
Impossible de me souvenir de ce mot, mais en en voyant un sur la bord du chemin, il m’est soudain revenu : élytre.
En me retournant face à cette allée vide au milieu des arbres, un vertige m’a saisi
comme si j’avais nagé loin en mer.
Un instant au bord du monde.
Le chant d’un coucou m’a remis en marche.
Et rappelé ce contact délicieux avec le sol.
J’essaie de recréer cette sensation de vertige pour la décrire, mais l’instant le
plus aigu reste inaccessible.
Tout à coup ma tête est lourde. Peut-être essaierai-je à nouveau tout à l’heure.
Il faut que je marche. Pour me convaincre que je ne me trompe pas, il faut que je
marche encore.
Comme si le corps en marche entraînait la pensée. Ici un creux, là un chemin
dégagé.
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El otro día todo era lento en el bosque: una oruga peluda que avanzaba muy
suavemente, un escarabajo pelotero que forcejeaba con debilidad, una babosa
casi detenida… Salvo el paso del tren a lo lejos.
Una voz de niña surgió de repente: “¿Dónde está? Quiero aplastarla.”
“Cuando miré mi mano, la falena que creí haber atrapado se había desvanecido”,
se cuenta en la historia de “Genji”. “O bien, mis dedos no la tuvieron jamás”.
Imposible recordar aquella palabra, pero al ver uno al borde del camino, de
pronto ha venido a mi mente: élitro.
Al volverme frente a la alameda vacía en medio de los árboles, un vértigo se apoderó de mí como si hubiera nadado una larga distancia en el mar.
Un instante al borde del mundo.
El canto de un cuco me ha puesto en marcha.
Y recordado el delicioso contacto con el suelo.
Intento recrear esa sensación de vértigo para describirla, pero el momento de
mayor intensidad permanece inaccesible.
De repente mi cabeza se siente pesada. Quizá lo intentaré de nuevo ahora mismo.
Debo caminar. Para convencerme de que no me equivoco, debo caminar aún más.
Como si el cuerpo en marcha arrastrara al pensamiento. Aquí un hueco, allá un
camino despejado.
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Cinq heures du matin dans la champagne: elle écoute les cigales higurashi.
Pourquoi se mettent-elles à chanter à cette heure si calme juste avant le jour?
Il lui semble que la nature soudain envahit sa chambre.
Comme dans ce haïku où le vert de l’été entre brusquement dans le salón lors
d’une éclaircie. Un coup de pouce atmosphérique.
Mais pas comme ces doigts de lumière qui arrivent de l’ouest en fin d’après-midi.
Il n’y a pas qu’une seule sorte de cigales (zemi), il y en a au moins cinq: abura
zemi, min-min zemi, kuma zemi, tsuku-tsuku-uisu zemi, higurashi zemi. Et chacune
a un chant particulier: min-min-minmin-minminminminmin, tsuku-tsuku-uisu-
tsuku-tsuku-uisu-uisu-uisu…
Les cigales higurashi, elles, font un son aigu comme celui d’une scie.
Curieusement, on les entend souvent dans les lieux solitaires.
Les lieux solitaires ne le sont pas.
Au Japon, les messages sont souvent portés par des insectes (mushi). Par
example, un mauvais présage (mushi no shirase) ou un bruit de ventre lorsqu’on
a faim (o naka no mushi ga naiteru).
Comme les insectes sur les fleurs, ces hommes qui collent aux jeunes filles.
Elle éprouvait de la répulsion pour les insectes mais après avoir lu “Notes de
chevet (Makura no soshi)” de Sei Shonagon, elle s’est mise à aimer tous ces
papillons qui, la nuit, viennent frapper à sa fenêtre.
Comme elle a aimé marcher dans le vent d’été avec les cigales! Min-min-min-min-
minminminmin…
Comme si elle se fondait dans la nature avec ces cigales si joyeuses bien quelles
ne vivent que le temps d’un été après des années passées sous terre.
Cette petite chenille verte, elle, a passé une semaine au réfrigérateur cachée dans
un brocoli. Elle est tout engourdie.
« Kawaii (c’est mignon) ! ». Les Japonais ont une tendresse infinie pur les petites
choses.
Quand ils parlent en français, ils ne disent pas « un peu » mais « un petit peu ».
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Cinco de la mañana en el campo: ella escucha las cigarras higurashi. ¿Por qué se
ponen a cantar a esta hora tan tranquila justo antes del amanecer?
Le parece que, de pronto, la naturaleza invadió su habitación.
Como en ese haiku donde el verde del verano entra precipitadamente en el salón
al momento de clarear. Un impulso atmosférico.
Pero no como esos dedos de luz que llegan del oeste a última hora de la tarde.
No hay sólo una clase de cigarras (zemi), hay al menos cinco: abura zemi, min-
min zemi, kuma zemi, tsuku-tsuku-uisu zemi, higurashi zemi. Y cada una tiene un canto particular: min-min-minmin-minminminminmin, tsuku-tsuku-uisu-tsuku-tsuku-uisu-uisu-uisu…
Las cigarras higurashi hacen un sonido agudo como el de una sierra.
Curiosamente, a menudo las oímos en lugares solitarios.
Los lugares solitarios no lo son.
En Japón, los mensajes son frecuentemente transportados por insectos (mushi).
Por ejemplo, un mal presagio (mushi no shirase) o un ruido del estómago cuando
se tiene hambre (o naka no mushi ga naiteru).
Como insectos sobre las flores, esos hombres ceñidos a las muchachas.
Ella sentía repulsión por los insectos, pero después de haber leído El libro de
cabecera (Makura no soshi) de Sei Shonagon, comenzó a querer a todas esas
mariposas que, de noche, vienen a golpear su ventana.
¡Cómo ha disfrutado andar por la brisa del verano con las cigarras! Min-min-min-
min-minminminmin…
Como si se fundiera en la naturaleza con esas cigarras tan alegres, a pesar de que
viven sólo el tiempo de un verano, después de haber pasado años bajo tierra.
Esta pequeña oruga verde pasó una semana en el refrigerador escondida en un
brócoli. Está completamente entumecida.
“¡Kawaii (qué monada)!”. Los japoneses tienen una simpatía infinita por las cosas
pequeñas.
Cuando hablan en francés, ellos no dicen “un poco” sino “un poquito”.